Les troupes de l’OTAN doivent partir le plus vite possible !
Bert De Belder, Coordinateur Intal
5 avril 2010

Le 12 février a eu lieu la soirée de clôture de la « tournée anti-guerre en Afghanistan » organisée par la Plate-forme anti-guerre (dont fait partie le CSO) et Mariam Rawi, de l'organisation progressiste des femmes afghanes, RAWA. A la conférence de Bruxelles, trois autres interlocuteurs ont exprimé leur opinion sur la situation et les perspectives en Afghanistan aujourd’hui.

Mariam Rawi a, sur base de son expérience du terrain, un avis très prononcé sur le sujet : toutes les troupes étrangères doivent immédiatement partir ; la société civile afghane s’occupera elle-même du terrorisme et du fondamentalisme; et la communauté internationale peut donner un coup de main en jugeant les criminels de guerre qui se trouvent actuellement dans le gouvernement Karzaï.

Jan Vandemoortele (coordinateur des Nations Unies au Pakistan de 2005 à 2008, également connu comme un des pères fondateurs des Objectifs du Millénaire) a apporté une argumentation très claire contre la présence des troupes de l’OTAN en Afghanistan: « Les troupes étrangères ne peuvent plus faire partie de la solution, elles sont elles-mêmes devenu le problème central. A la différence des années 2001-2002, les Afghans ne considèrent à présent plus l’OTAN comme une force du bien. Nous devons partir de là et dès à présent. » Mais retirer les troupes occidentales n'équivaut pas à tourner le dos à l’Afghanistan. Vandemoortele: « Nous devons rester concernés par la communauté civile, en coulisses, afin d’aider à la reconstruction. Et il faudra certainement, du fait de la mauvaise situation de la sécurité, une phase de transition ainsi qu’une certaine aide militaire pour ‘faire régner la paix’. Mais de la part de pays qui ont une autre perception que les partenaires de la coalition actuelle, par exemple des pays musulmans comme l’Indonésie et le Bangladesh. »

Juliette Boulet (Membre de la chambre pour Ecolo, membre de la Commission des Affaires Étrangères et de la Défense) a fait sa thèse sur l’Afghanistan et connaît donc très bien la problématique. Elle plaide également pour un départ des troupes étrangères, aussi vite que possible, c’est ce que le peuple afghan demande : « Dans un rapport d’avril 2009 les ONG afghanes ont confirmé que la présence des militaires étrangers constituait un obstacle dans l’exercice de leurs travaux ». Boulet croit à une solution régionale pour la crise en Afghanistan.

Antonio Gambini (Conseiller auprès de l’Institut Emile Vandervelde du PS) avait la tâche ingrate de défendre plus ou moins la position du gouvernement: le PS soutient effectivement les décisions du Gouvernement belge afin d’envoyer plus de 600 soldats et 6 « F-16 » en Afghanistan. Gambini renvoie à la position de la Belgique lors de la guerre en Irak, à laquelle notre pays n’a pas participé directement : « Après, vu la pression des États-Unis, ce fut très difficile de ne pas aller en Afghanistan ». Le PS espérait avec les élections récentes à Kaboul voir se développer « une véritable démocratie » (sic)... Qu'est-ce qui devrait changer selon Antonio Gambini? A la façon d’Obama, il parle « d’un changement complet », notamment « une mise en avant des efforts civils - y compris la formation de la population en politique et en droit – avec des efforts militaires loin derrière » (murmures dans la salle). Et devons-nous quitter l’Afghanistan? « Pas dans la précipitation », selon Gambini, « et chaque stratégie de retrait doit permettre aux Afghans de maîtriser eux-mêmes leur sécurité ».

La plupart des questions dans la salle étaient adressées à Mariam Rawi. Voici ses réponses en style télégraphique :

  • L’OTAN est en Afghanistan à cause des intérêts économiques et géostratégiques, à cause des pipelines de pétrole et de l'importance des pays voisins.
  • Lorsque les troupes de la coalition se retirent, les talibans prendront probablement le pouvoir. Mais à présent, ils sont déjà au pouvoir dans la majorité du pays. Et dans les cercles de l’OTAN, on parle de plus en plus de négociations avec une participation au gouvernement des talibans « modérés »: alors où est la différence avec une prise de pouvoir des talibans? Car après toutes les violations des droits des femmes, le fondamentalisme et le terrorisme sous le régime de Karzaï est à peine moindre que celui des talibans.
  • Bâtir des écoles et des hôpitaux n’est pas une bonne idée, car l’Afghan moyen ne fait pas la différence entre les militaires et les gens de la coopération au développement issus des mêmes pays occidentaux. (Ce que Jan Vandemoortele a confirmé.)
  • A l'intérieur et autour de Kaboul, il y a des centaines de milliers de réfugiés, vivant dans des conditions lamentables. Ils se sont souvent enfuis suite aux bombardements de l'OTAN à Helmand, Kandahar et Kunduz, donc il est probable qu'ils aient du fuir également les bombes des « F-16 » belges.
  • L’information et la conscientisation sont très importantes, car on connaît trop peu la réelle situation en Afghanistan. Des actions de protestation contre la guerre et l’occupation et des campagnes de solidarité en faveur des populations afghanes, sont d’autres formes d’un engagement sensé.

Juliette Boulet a encore donné des informations très intéressantes sur les militaires belges, qui selon elle sont souvent "choqués" lors de leur retour d'Afghanistan. « La désinformation à laquelle ils sont exposés lors de leur départ, est monstrueuse », dit-elle. « Les Afghans sont présentés dans les briefings comme étant de potentiels Ben Laden ». Boulet critiquait également le Ministre de la Défense De Crem: « Même dans les Commissions spéciales privées de la Défense, il refuse de donner des informations sur le nombre de victimes civiles lors d’actions militaires belges. Il ne prétend même pas dire combien de fois les Belges ont du tirer ». Antonio Gambini en a profité pour dénoncer encore un peu plus le « va-t-en guerre ultra atlantiste » qu’est De Crem, mais Josy Dubié (ancien sénateur Ecolo et spécialiste de l’Afghanistan), présent dans la salle, a fait gentiment remarquer que le prédécesseur de De Crem, Flahaut, « était peut-être plus réservé mais il est finalement aussi parti en Afghanistan ».

Jan Vandemoortele a dit encore que finalement le but est que les Afghans soient eux-mêmes capables de se hisser à la tête du pays et de s’occuper de leur propre développement, et que nous devons moins nous focaliser sur nous-mêmes, sur nos propres politiques et perceptions. « Il s’agit d’eux et pas de nous », a-t-il conclu.