De l’utilité de faire la guerre au Kosovo
Georges Berghezan
1er octobre 2016

Le général américain Wesley Clark a connu son heure de gloire en 1999, lorsque lui a été confié le commandement des forces de l’OTAN bombardant la Serbie et sa province du Kosovo. Cette campagne de près de trois mois de frappes aériennes a détruit la majorité des infrastructures du pays et tué quelque 2.000 civils sous prétexte de prévenir un génocide qui s’est avéré aussi inexistant que les « armes de destruction massive » de Saddam Hussein. À l’époque, l’agressivité de Clark avait même suscité l’insubordination de son adjoint, le général britannique Michael Jackson qui, juste après les bombardements, a refusé d’obéir à son ordre d’attaquer les troupes russes qui étaient arrivées les premières à l’aéroport de Pristina, capitale du Kosovo, lui rétorquant : « Je ne vais pas commencer la Troisième guerre mondiale pour vous ».

Après la guerre, Clark a pris sa retraite militaire et s’est lancé dans la politique, devenant un membre influent du Parti démocrate, poussant à une politique interventionniste et belliciste à travers le monde, tentant d’être nominé aux présidentielles de 2004 et chaud partisan de l’actuelle candidate, Hillary Clinton. Mais l’ex-général s’est également fixé l’objectif de s’enrichir, déclarant publiquement qu’il souhaitait amasser une fortune de 40 millions de dollars durant sa carrière civile. Après s’être acoquiné avec une banque d’investissement douteuse et connu une désastreuse faillite dans l’agro-alimentaire, Clark est devenu, en 2012, président d’un groupe minier, Envidity Energy Inc., dont l’objet principal est de transformer le charbon en fuel, un processus qui produit de nombreux produits toxiques et pollue les nappes phréatiques. 

C’est ainsi que le chef de guerre s’est à nouveau intéressé au Kosovo, qui avait entretemps proclamé unilatéralement son indépendance et dont la principale ressource naturelle est le lignite, un charbon le plus souvent utilisé pour alimenter les centrales thermiques. Fort de ses relations avec les autorités locales, issues de l’Armée de libération du Kosovo, la guérilla albanaise que l’OTAN avait placée au pouvoir en 1999, il a d’abord fait changer le code minier, puis obtenu du gouvernement de Pristina, en août dernier, sans appel d’offres préalable, l’exclusivité des droits de prospection du lignite sur un tiers du Kosovo, une région qui recèlerait environ 12 milliards de tonnes de ce minerai.

Alors que Clark demeure très populaire parmi les nationalistes albanais – plusieurs rues du Kosovo portent son nom –, un premier couac est cependant intervenu en septembre, une commission parlementaire postposant la ratification de l’accord car il risquerait de violer les sacro-saints principes de la « concurrence libre et non faussée ». Les aspects environnementaux liés à la liquéfaction du charbon n’ont, par contre, pas inquiété les parlementaires. 

Wesley Clark ne pensait sûrement pas s’enrichir grâce au charbon quand il bombardait le Kosovo. Et il n’est pas le seul à tenter de profiter de ses fonctions passées pour faire du business dans les territoires conquis. Ainsi, Madeleine Albright, ministre des Affaires étrangères de Bill Clinton lors des bombardements de 1999, a tenté de racheter les postes kosovares lors de leur privatisation. En Ukraine, depuis le changement de régime opéré par les Occidentaux, le fils de Joe Biden, l’actuel vice-président états-unien, dirige une société active dans l’exploitation du gaz de schiste. 

Au-delà du cynisme de ces personnages, ces exemples montrent que, outre les intérêts politiques et géostratégiques, les arrière-pensées mercantiles ne sont certainement pas étrangères aux guerres « humanitaires » de l’OTAN. 

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